Un bâtard SVP


Ma vie est assez folle pour que j’aie besoin d’inventer quoi que ce soit à vous raconter…

Mon père était gendarme et vendeur de drogue en même temps… Son film préféré c’était Heat, vous savez ce film avec De Niro et Al Pacino où le flic et le voyou deviennent presque amis alors même qu’ils sont ennemis. Ma mère, elle, est boulangère. Souvent le soir elle nous ramenait un bâtard et mon père disait : « Toi tu les ramènes à la maison, moi je les mets en prison. » C’était une de ses blagues préférées. Moi ça ne me faisait pas trop rire. D’ailleurs lui-même était un de ces bâtards qui aurait dû aller en prison, enfin, même si à l’époque je ne le savais pas… Je ne savais pas qu’il revendait la drogue qu’il réquisitionnait lors des perquisitions chez les dealers. Mais je voyais déjà que mon père jouait à un double jeu. Je n’avais que 7 ans à cette époque mais même si on parle peu à cet âge là, on ressent les choses. Je ne sais pas comment il a réussi à tenir ce double emploi si longtemps. Une question que je me poserai toujours c’est, à qui il revendait la drogue…

La vie semblait suivre son cours lorsqu’un jour, quand j’avais 10 ans, les gendarmes ont toqué à la porte pendant mon petit déjeuner. J’ai pensé que c’était des collègues de mon père qui lui rendaient visite mais j’ai compris que quelque chose n’allait pas quand ils ont mis les menottes à mon père. Je voyais la scène depuis la table à manger, mon bol de Chocapic devant moi, mon bol était encore à moitié plein mais je me suis quand même levé pour aller voir mon père. Il m’a dit : « T’inquiètes pas fils, ça va aller ». Le genre de phrase qui veut en fait dire tout le contraire. Je n’ai jamais revu mon père. Ma mère vient de m’avouer, maintenant que je suis plus grand, que mon père avait fait 3 ans de prison puis s’est fait tuer juste à sa sortie par le mec à qui il avait perquisitionné la drogue. Ce mec, lui, est en prison aujourd’hui apparemment. Parfois j’ai peur de le croiser même si je sais qu’il est en prison.

Bref, voilà un petit bout de ma vie. Ma mère, elle, continue de travailler en boulangerie et de ramener un bâtard de temps en temps, elle m’a même ramené un beau père il n’y a pas longtemps. À table le soir elle me dit : « Je te laisse manger le bâtard, moi je vais manger ton beau-père. » Ça ne me fait pas plus rire que l’ancienne blague de mon père mais bon, ça c’est ma mère et c’est encore une autre histoire…

J’ai donc grandi seul avec ma mère à partir de mes 10 ans. Aujourd’hui j’en ai 17. Durant la période qui a suivi le départ de mon père, ma mère ramenait des inconnus à la maison. Un soir je suis descendu de ma chambre pour aller aux toilettes en bas et j’ai vu ma mère coucher avec un mec dans le salon, j’ai fait semblant de ne rien voir et je suis retourné dans ma chambre sans faire de bruit et sans faire pipi. Bon, pour être honnête j’ai quand-même regardé 3 secondes, accroupi sur la 3ème marche en partant du haut, ce qui se passait avant de remonter, j’étais curieux, mais je crois que l’homme m’a vu, c’était gênant mais ça ne l’a pas empêché de continuer. D’un côté, à cet âge je ne comprenais pas encore vraiment. Le matin au petit déjeuner il n’était plus là. J’étais seul devant mon bol de Chocapic. Chaque matin, je revoyais mon père avec les menottes devant la porte d’entrée… Ma mère était une cochonne, c’est mon père qui disait tout le temps ça. Je ne comprends pas pourquoi il me disait ça, ce n’est pas quelque chose qu’on dit à son fils normalement. Ma mère me disait qu’elle m’aimait plus que tout au monde. Mon père, lui, ne m’a jamais dit je t’aime. Il ne disait pas beaucoup je t’aime à ma mère non plus. En fait, j’ai appris récemment par ma tata que quand mes parents se sont mis ensemble, ma mère trompait son ancien copain avec mon père puis elle a finalement décidé de rester avec mon père et de quitter l’autre. Parfois je me demande si je ne suis pas un peu bâtard aussi finalement…

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