NANTES SOUS LE SIGNE DE LA MONGOLIE

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C’est un monde qu’il y a à rebâtir, celui de l’empire mongol du XIIIe et XIVe siècle. Un monde riche, complexe et passionnant qui a vu se développer le plus grand empire ayant jamais existé. Mais pourquoi rebâtir ?  Ne connaissons-nous pas déjà ce peuple nomade et guerrier qui a conquis les steppes puis l’Eurasie grâce à ses chevaux et ses arcs ? Ne connaissons-nous pas l’organisation « tribale » et les « chefs de clan » que sont Gengis Khan et ses successeurs ?  Il semblerait que non, en effet beaucoup de mythes inscrits dans le domaine populaire sont historiquement faux. Notre inculture de cette époque est colossale et s’explique par de multiples facteurs comme l’européocentrisme surtout autour de l’histoire médiévale, mais aussi par l’influence de la Chine et de la Russie et par certains biais historiques. 

Le colloque international intitulé « Les mongols et l’élargissement du monde » ainsi que l’exposition « Gengis Khan : comment les Mongols ont changé le monde » permettent d’amorcer le changement de paradigme qui règne encore dans le grand public. Je me propose donc dans cette article de vous rapporter ce qu’il s’est dit pendant le colloque afin de vous faire percevoir la richesse et la pluralité de ce monde si particulier que sont les steppes mongoles du XIIIe siècle.

Points de vue pluriels et multiples 

La première chose qui m’a frappé, c’est la diversité des acteurs et invités présents. Le directeur du nouveau musée Chinggis Khan d’Oulan Bator, ainsi que le président l’académie des sciences de Mongolie sont intervenus. Les profils des participants étaient divers, avec une majorité d’intervenants mongols (huit sur dix-neuf participants). Cela permet d’avoir, d’une part, des exposés en mongol traduits en français (le procédé a pu cependant se révéler parfois fastidieux) et ainsi d’apprécier la langue mongole, mais aussi d’autre part d’avoir accès à un autre point de vue par une participation d’experts universitaires et scientifiques du pays dont il était question. Ce décentrement semble capital au vu des biais que crée l’ethnocentrisme et l’ampleur colossale du projet évite largement cet écueil. Ainsi les présentations n’étaient pas hors sol, faisant preuve d’un profond travail scientifique qui se rejoignait dans l’histoire de l’art, l’archéologie et l’histoire. Seul regret personnel, la religion (vaste sujet pour l’empire mongol) n’a quasiment jamais été abordé frontalement. Elle sera le sujet d’un autre colloque plus tard dans l’année.

Ainsi le colloque porté par Marie Favreau, maîtresse de conférences en histoire médiévale, ne manque pas sa cible même si les spectateurs non-expert, généralement peu nombreux dans les colloques, étaient absents. L’envergure d’un tel projet culturel (rappelons que le président de la Mongolie s’est déplacé pour l’occasion) est donc soutenue scientifiquement par des acteurs internationaux. Les conférences étant en anglais, ou en mongol traduit en français, on peut comprendre le manque d’enthousiasme du public non averti. Surtout qu’à quelques mètres de là, les yourtes mongoles et l’exposition ouvraient pour la première fois leurs portes au public. Il me reste néanmoins une légère impression d’entre-soi avec défilement de collègues et d’amis.  De ce constat m’est venu l’idée d’un article pour que ce qui s’est dit ce jour puisse être accessible à un public étudiant, qui serait susceptible d’y porter un intérêt.

Résumé de quelques conférences

Les conférences ont porté sur des sujets très variés, analysant les relations et les rapports entre l’art italien et les techniques mongoles ainsi que l’influence que ces dernières ont eu sur le premier. Ainsi le feuillage en or et autres techniques que maitrisaient les mongols ont inspiré les italiens du XIVe et les ont obligés à trouver des alternatives avec les ressources accessibles. Les frontières de l’empire mongol sont donc riches d’échanges et les nombreuses routes commerciales qui le parcourent ont fasciné les occidentaux de l’époque.

D’autres se sont penchés sur l’analyse archéologique des sites de Karakorum et Khaany Balgas afin de mieux comprendre le développement des villes mongoles, leur implémentation rapide (Karakorum ayant été construite en 4 ans) ainsi que leur utilisation de murs et de sites de production d’argile. Les travaux de recherches sur ce sujet montrent la complexité des villes mongoles (pourtant considéré comme un peuple nomade). L’utilisation de technologie de pointe afin d’obtenir un relevé topographique précis du terrain permet notamment de révéler une organisation urbaine complexe.

Certaines ont également abordé l’importance capitale des chevaux dans le développement de la société mongole. Ainsi l’analyse de fragments d’ornements des équipements pour chevaux nous informe sur les distinctions de classes dans la société mongole et ce depuis l’empire Xiongnu. D’autres enfin, on chercher à comprendre comment le système décimal mongol (avec l’utilisation du tümen unité de 10000 hommes) n’était pas simplement une distinction militaire mais était réellement une organisation sociétale. Le groupe militaire était en fait un groupe de population et l’unité militaire était la colonne vertébrale du système administratif et politique mongol.

Couplé à l’exposition (qui n’est pas réservée aux spécialistes et aux dilettantes passionnés), le colloque sur la Mongolie est une bouffée d’air frais dans le paysage français, et par chance dans le paysage nantais. Ce mouvement conjoint de la France et la Mongolie vise à rendre plus accessible, familière et unique la culture mongole pour le public français.

Je vous invite donc à aller voir l’exposition et à profiter des événements qui ont lieu tout au long de l’année pour découvrir cette incroyable culture si riche qui pour la plupart nous est encore grandement inconnue. 



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